BLEU DE THIRA
L’avion vire sur l’aile et l’éther infini
Se reflète au miroir de l’eau qui se rapproche,
Puis, ayant dépassé les falaises de roche,
Il se laisse glisser jusqu’à Santorini.
C’est une île Cyclade aux bleus providentiels,
Châtoyés au pinceau d’un invisible Artiste
Dans son atelier d’air, de vagues et de schiste,
Assis au chevalet de la mer et du ciel.
La divine couleur voisine au nuancier
Avec l’habit des rois, l’éclat des romantiques,
L’azur auréolé de quelque Vierge antique,
Ou le céruléen blanc bleuté des glaciers.
Accoudé aux plus hauts des murets de Thira,
J’abîme mon regard dans les reflets marine
Où scintillent les yeux de nymphes ivoirines
Venues rendre au soleil le culte du dieu Ra.
J’y reviens à la nuit sous la voûte étoilée,
Quand le blanc des maisons marie le bleu de l’encre
Au turquoise d’un dôme où, poète, je m’ancre
Et, libérant mes vers à grandes envolées,
J’interroge les nues : « mon Dieu, dis nous combien
As- tu superposé de bleus, oh subterfuge !
Pour qu’on ne te voie pas, au creux de ton refuge,
Palette aux mille tons, caché pour notre bien ? »
Dominique H.
(texte protégé)
ESCALE À PAXOS…
L’écume savonnait le bas de coque lisse,
De la robe de proue ciselant eau et vent,
Et le guide, élogieux, nous racontait Ulysse,
Homère et Poseïdon... Soudain, par notre avant,
Surgirent du soleil des escouades de mouettes,
À l’approche de l’île Ionienne posée
Sur des eaux parsemées de lampyres muettes,
Des écailles serties sur la mer embrasée.
Au pied des rochers blancs, dans le Grand Bleu d’ardoise,
Émeraude et saphir, à crêtes d’organdi,
Je m’immergeai sans bruit dans sa tiédeur turquoise
Aux rives de Paxos…tout un après-midi !
Ce fût l’instant choisi par les anges d’Éole,
Invisibles soupirs et caresses amies,
Traversant l’Albanie, Athènes, l’Acropole,
Pour soulever la jupe aux vagues endormies.
À cette heure du jour, l’onde y est cristalline
Et l’imagination voit, dans sa profondeur,
Un refuge utérin, fluide alcôve saline,
Où les sirènes jouent le charme et l’impudeur …
Frêle esquif ondoyant sur le ventre du Monde,
Immobile nageur en ces lieux d’Odyssée,
Je remontai le temps, seconde après seconde,
En l’espace marin des mythes du passé
Où le dieu au Trident édifia, dit l’aède,
À sa femme Amphitrite un temple zélateur
En pierres de Corfou, peuplé de citharèdes,
Chantres à la voix d’or, poètes laudateurs…
Quand le bateau reprit le cours de sa croisière
Et que Paxos, au loin, fondit à l’horizon,
Je gravai cette brume en moi, fine lisière,
Azur arachnéen, porte des Pamoisons,
Abri consolateur, quand ma vie sera triste,
Et que, fermant les yeux sur sa réalité,
J’ouïrai l’arioso du vent qui fait l’artiste
En marchant sur les flots, là–bas, tous les étés.
Dominique H.
(8 juillet 2016)
(texte protégé)
AU VENT D’ACHILLEION*
Le regard au zénith, Érato et Thalie,
Muses d’Achilleion posent au péristyle
Imprégné des parfums que le Jardin distille,
Haleines mélangées de Grèce et d’Italie.
Nues, les filles de Zeus attendent le vent fou,
Habile à frisotter l’eau de la mer Ionienne,
À chatouiller leur cou de sa lèvre éolienne,
À boire la buée des roses de Corfou.
Puis il monte au palais faire sa cour aux dieux,
- Frôlements de feutrine à l’ombre des feuillages -
Bruit, comme un flux de mer au fond d’un coquillage,
Surgit, persiffle, souffle… et nous fait ses adieux
Laissant derrière lui, parmi les oliviers,
Le doux balancement de son humide brise
Sur la vague un soupir, une larme, une frise,
Dans mon âme un prélude aux célestes claviers.
Dominique H. (28/06/2016)
(texte protégé)
*Achilleion : palais emblématique de Corfou, édifié, à l’origine, en l’honneur du héros homérique Achille.